Etrangère à Roubaix, je n’en connaissais qu’un tableau anxiogène peint par les médias : une succession de chiffres alarmants axés sur la pauvreté, le taux de chômage catastrophique, la délinquance en hausse...
Jusqu’en 2019, où j’ai découvert un paysage alternatif qui rapidement m’a emporté.
A travers l’association Anti_Fashion Project, j’ai rencontré des dizaines de jeunes des quartiers, fonctionnant en tribus, trouvant leur force autant dans le groupe que dans la création de vêtements upcyclés, avec lesquels elles et ils s’affranchissent de toute notion de mode. Ici le vêtement ne sert pas non plus à prétendre à un meilleur statut social par une accumulation de logos, mais à mettre en scène un code excentrique, lequel pioche dans toutes sortes de vestiaires pour tendre vers la flamboyance. L’habit est un exutoire où épancher leur nécessaire besoin d’extravagance, palliatif à une entrée complexe dans ce que l’on nomme si étrangement la vie active. Bien que le groupe soit a priori hétérogène, les différences sont abolies : ni le genre, ni la religion, ni la couleur de peau, ni le milieu social ne semblent avoir droit de cité et il est difficile de dire à quoi cela tient.
J’ai choisi de les suivre, pour découvrir Roubaix à travers leurs yeux. En les observant, il m’a semblé que cette nouvelle génération roubaisienne annonce quelque chose de formidablement contemporain, porteur d’avenir.
Cette énergie créatrice qui est la leur est un écho à celle que j’ai rencontré à New York, il y a quarante ans, au moment de la naissance du hip-hop : un système inédit qui sait bâtir des codes novateurs pour transformer un horizon sombre en société nouvelle. Ce n’est sans doute pas par hasard s’ils ont en commun avec eux cet amour de leur ville, écrivant partout son nom avec la même exubérance.
Certes, les manufactures textiles ont déserté depuis longtemps la ville, mais le tissu survit autrement, intrinsèque à la ville, fabriquant encore un lien social palpable.
Mon regard, fidèle à mon enthousiasme, maquille sans doute les zones d’ombre qui persistent, inhérentes à la brutalité du monde industriel. Il est indéniable qu’on assiste ici à l’insupportable clivage, de plus en plus profond, entre richesse obscène et pauvreté saisissante. Roubaix en est hélas un symbole, mais il me semble que le chaos apporte aussi avec lui la force singulière nécessaire au renouveau.
De la même façon que Montaigne, dans ses Essais, cherchait à s’éloigner des commentaires de voyage lus dans les guides, je cherche ici à dépeindre une nouvelle expectative qui me semble apporter une chaude lumière sur la ville. « Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace aucune ligne certaine, ni droite, ni courbe ».
Sophie Bramly
Jusqu’en 2019, où j’ai découvert un paysage alternatif qui rapidement m’a emporté.
A travers l’association Anti_Fashion Project, j’ai rencontré des dizaines de jeunes des quartiers, fonctionnant en tribus, trouvant leur force autant dans le groupe que dans la création de vêtements upcyclés, avec lesquels elles et ils s’affranchissent de toute notion de mode. Ici le vêtement ne sert pas non plus à prétendre à un meilleur statut social par une accumulation de logos, mais à mettre en scène un code excentrique, lequel pioche dans toutes sortes de vestiaires pour tendre vers la flamboyance. L’habit est un exutoire où épancher leur nécessaire besoin d’extravagance, palliatif à une entrée complexe dans ce que l’on nomme si étrangement la vie active. Bien que le groupe soit a priori hétérogène, les différences sont abolies : ni le genre, ni la religion, ni la couleur de peau, ni le milieu social ne semblent avoir droit de cité et il est difficile de dire à quoi cela tient.
J’ai choisi de les suivre, pour découvrir Roubaix à travers leurs yeux. En les observant, il m’a semblé que cette nouvelle génération roubaisienne annonce quelque chose de formidablement contemporain, porteur d’avenir.
Cette énergie créatrice qui est la leur est un écho à celle que j’ai rencontré à New York, il y a quarante ans, au moment de la naissance du hip-hop : un système inédit qui sait bâtir des codes novateurs pour transformer un horizon sombre en société nouvelle. Ce n’est sans doute pas par hasard s’ils ont en commun avec eux cet amour de leur ville, écrivant partout son nom avec la même exubérance.
Certes, les manufactures textiles ont déserté depuis longtemps la ville, mais le tissu survit autrement, intrinsèque à la ville, fabriquant encore un lien social palpable.
Mon regard, fidèle à mon enthousiasme, maquille sans doute les zones d’ombre qui persistent, inhérentes à la brutalité du monde industriel. Il est indéniable qu’on assiste ici à l’insupportable clivage, de plus en plus profond, entre richesse obscène et pauvreté saisissante. Roubaix en est hélas un symbole, mais il me semble que le chaos apporte aussi avec lui la force singulière nécessaire au renouveau.
De la même façon que Montaigne, dans ses Essais, cherchait à s’éloigner des commentaires de voyage lus dans les guides, je cherche ici à dépeindre une nouvelle expectative qui me semble apporter une chaude lumière sur la ville. « Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace aucune ligne certaine, ni droite, ni courbe ».
Sophie Bramly
LA CATALOGUE DE L'EXPOSITION EST DISPONIBLE SUR LE SITE DE L'ASSOCIATION ANTI_FASHION PROJECT.
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